Page:Scherer - Alexandre Vinet, 1853.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 94 —

peut remplir une page ; il ne peut défrayer un volume. Ce n’est pas non plus à de pareilles considérations que Vinet s’arrête habituellement. Son apologétique consiste dans une espèce de philosophie pratique du christianisme. D’autres ont attribué aux dogmes une portée spéculative ; d’autres ont signalé l’excellence morale des principes évangéliques ; Vinet s’est attaché à montrer quels sont les rapports du dogme avec la morale, et quelle énergie celle-ci emprunte à celui-là.

Toutefois, avant d’arriver à cette démonstration particulière, nous rencontrons certaines notions apologétiques générales dont il convient de dire un mot.

L’apologétique du dix-septième et du dix-huitième siècle a abouti au rationalisme parce qu’elle le renfermait en elle-même. La question qui s’agitait entre elle et ses adversaires était essentiellement la question des rapports de la foi avec la raison, et cette question, l’apologétique avait contribué à la poser d’une manière qui devait être fatale à sa propre cause. La philosophie de l’époque était avant tout une psychologie, et la psychologie qui servait de point de départ commun à tous était celle qui se préoccupe exclusivement du phénomène de la connaissance et qui ramène toute la connaissance à la sensation et à l’entendement. La critique et l’apologétique s’accordaient à ne voir dans l’homme que la raison, ou, pour parler plus correctement, à ne voir dans la raison que l’organe d’une connaissance tout empirique. Mais, à ce point de vue, le christianisme ne peut tomber sous la compétence de la raison sans perdre son caractère