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glace de la bonté, cette indulgence foncière qui s’allie si rarement à la pénétration. C’est d’elle qu’on a con- servé ces beaux mots : « Il faut beaucoup d’esprit pour être parfaitement bon. » — « Qui a cessé de jouir de la supériorité de son ami a cessé de l’aimer. » — « Il est coupable ! c’est à cela que s’attache ma plus vive, ma plus tendre compassion. » On peut dire que ce fond de vraie et noble humanité a sanctifié sa foi, car la religion d’un homme prend la forme de son âme, tout autant au moins que cette âme prend la forme de sa religion. Il n’y a, dans l’àrae de madame Swetchine, aucun levain, aucune bigoterie, rien qui ne soit noble et pur. On ne la voudrait pas autre qu’elle n’est, sauf les limites dans lesquelles elle s’est enfermée. Au fond de l’appartement on sent l’oratoire, voilà tout. Ce qui fait d’elle une sainte est précisément ce qui la rend étrangère à notre rude société humaine.

Il ne faut pas s’y tromper, en effet : la contradiction que je signalais tout à l’heure entre un christianisme purement spirituel et les traditions ecclésiastiques se retrouve à quelques égards dans le problème de la vie morale. Qui ne sent un désaccord entre la société mo- derne et la religion ancienne, entre nos instincts, nos besoins, notre indépendance, notre culte du travail, notre génie positif et pratique, notre prise de possession de la terre et du présent et la vie religieuse sous sa forme consacrée, je veux dire l’ascétisme, la contrition, la pratique ? Le ciel et la terre ont beau se confondre dans la dévotion de madame Swetchine, on reconnaît à