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leurs encore, quel gré on lui a su de ces paroles. Quant aux Allemands, quant à ceux du moins qui

    ses adversaires, nous croyons devoir le rappeler ici. M. Cousin vit Hegel en 1817, alors que Hegel n’était à Heidelberg que depuis une année, peu célèbre encore, mais avant déjà publié sa Phénoménologie de l’esprit et son Encyclopédie des sciences philosophiques, c’est-à-dire, étant déjà en possession de tout son génie et ayant déjà élaboré les idées fondamentales de son système. Parmi ces idées il y en a qui, indépendamment de l’ensemble dont elles font partie, ne peuvent manquer de frapper par leur grandeur et leur originalité ; elles devaient frapper surtout un jeune homme d’une haute et facile intelligence et plein d’enthousiasme. Voici comment M Cousin rapporte cette entrevue avec Hegel : « Hegel ne savait pas beaucoup plus de français que je ne savais, d’allemand (ce qui ne veut pas dire qu’on ne se parlait pas). Dès la première conversation je le devinai, je compris toute sa portée, je me sentis en présence d’un homme supérieur ; et quand d’Heidelberg je continuai ma course en Allemagne, je l’annonçai partout, je le prophétisai en quelque sorte, et à mon retour en France je dis à mes amis : Messieurs, j’ai vu un homme de génie. L’impression que m’avait laissée Hegel était profonde, mais confuse. » Tout cela ne paraît-il pas fort naturel ? Ne peut-on pas être frappé de la grandeur d’un homme de génie et comprendre toute sa portée, sans avoir compris toute sa pensée ? Et pourquoi trouverait-on déplacée une prophétie, quelque peu justifiée qu’elle paraisse d’abord, si cette prophétie s’est réalisée depuis ? M. Cousin a encore dit que Hegel n’était pas d'une amabilité extrême. On a été blessé en Allemagne de cette assertion, comme si l’on ne pouvait être un grand homme sans être extrêmement aimable. (Note du trad.)