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nieux, de divers objets disséminés, dans le monde réel, et qu’il accorde aux objets les plus communs toute leur importance, il s’élève au-dessus de la nature, il veut être compris par un esprit dont les facultés se soient développées et aient été cultivées harmonieusement ; et celui-ci trouve ce qui est parfait, ce qui est excellent, conforme aussi à sa nature. C’est ce dont l’amateur vulgaire n’a aucune idée ; il considère un ouvrage d’art comme un objet qu’il trouve au marché. Mais le véritable amateur ne considère pas seulement la vérité de l’imitation, mais aussi la perfection du choix, le talent de la composition, tout ce qui est au-dessus du monde réel, dans le petit monde de l’art. Il sent qu’il doit s’élever jusqu’à la pensée de l’artiste, pour goûter son œuvre, s’arracher aux préoccupations de la vie commune, pour habiter avec l’œuvre d’art, le contempler à plusieurs reprises et se donner par lui une plus haute existence.

Le spectateur. — Bien, mon ami, j’ai en effet éprouvé de semblables impressions en considérant des tableaux ; au théâtre, en lisant différents genres de poésie, j’ai ressenti à-peu-près ce que vous demandez. Je veux, à l’avenir, me livrer encore avec plus de soin à l’étude des ouvrages d’art. Mais, si je ne me trompe, nous voilà bien loin du sujet qui a donné lieu à notre conversation. Vous vouliez me persuader que je devais tolérer, dans notre opéra, les spectateurs que le peintre s’est imaginé de représenter, et je ne vois pas encore, quoique jusqu’ici je sois parfaitement de votre avis, comment vous justifiez cette licence, et sous quel prétexte vous voulez me faire accepter ces personnages en peinture, qui assistent à la pièce.

L’avocat. — Heureusement, on donnera une nouvelle représentation de l’opéra aujourd’hui, et vous ne voulez pas, sans doute, la manquer.

Le spectateur. — Nullement.