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Des théoriciens modernes ont modifié cette proposition de la manière suivante : Les beaux-arts doivent imiter la nature.

Par nature, on entend souvent ce qui s’offre immédiatement à l’art humain, et rien de plus. Or, si à cette manière étroite d’envisager la nature on ajoute une notion non moins misérable de l’imitation, si imiter, c’est simplement copier, reproduire, l’art tout entier serait, en réalité, un métier ingrat. On ne voit pas pourquoi (puisque la nature existe déjà) on doit se tourmenter pour en donner dans l’art un second exemplaire tout semblable au premier ; l’art n’aurait dès-lors d’autre avantage, pour satisfaire notre esprit, que la commodité de la jouissance. Ainsi, par exemple, la supériorité d’un arbre peint sur un arbre réel, consisterait en ce qu’il ne vient se poser sur ses feuilles ni chenilles ni insectes. C’est ainsi que les habitants des villages du nord de la Hollande, par une raison de propreté, ne plantent pas, en effet, de véritables arbres les petites cours qui entourent leurs maisons, ils se contentent de peindre tout-au-tour, sur les murailles, des arbres, des haies, des berceaux de verdure, qui, en outre, se conservent verts pendant l’hiver. La peinture de paysage servirait, dès-lors, simplement à avoir dans sa chambre, autour de soi, en quelque sorte une nature en abrégé, où l’on aimerait mieux contempler les montagnes, sans être exposé à leur rude température, et sans être obligé de les gravir. Telle est la nature de voyage du prince dans la pièce de Goëthe : Le Triomphe de la Sentimentalité.

Mais, quelqu’idée que l’on se fasse à cet égard, si jusqu’à un certain point on peut attribuer l’imitation de la nature à la peinture et la statuaire, on ne peut, en aucune façon, le faire pour les productions des autres arts. De plus, si l’on prétend que la musique est l’expression naturelle des sentiments par les sons, dira-t-on que son origine