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(2). Winckelmann est unique dans son temps, par l’objectivité non-seulement de son style, mais encore de toute sa manière d’envisager les choses. Il y a un genre d’esprit qui veut réfléchir sur les objets, et un autre qui veut les pénétrer en eux-mêmes, d’après leurs caractères essentiels. L’histoire de l’art de Winckelmann donne le premier exemple de ce dernier. Ce ne fut que plus tard que le même esprit se montra aussi dans les autres sciences, non sans une grande résistance de la part de l’autre méthode usitée jusqu’alors ; méthode en effet beaucoup plus commode. L’époque proprement dite de Winckelmann ne connaissait de maîtres que dans ce genre. On aurait voulu excepter Hamann, qui a été précisément cité plus haut. Mais appartient-il bien à son époque, dans laquelle il resta incompris et sans influence ? Si Lessing, le seul homme de ce temps qui mérite d’être nommé à côté de Winckelmann, est grand, c’est parce que, tout en restant complètement dans cette subjectivité qui dominait alors, et en déployant un talent supérieur, précisément dans cette manière de réfléchir sur les choses, il penchait et se sentait vivement attiré, quoique sans le savoir, vers l’autre manière de sentir et de penser, ce que prouvent non-seulement son appréciation de Spinosa, mais tant d’autres manifestations de ce sentiment, et surtout l’Éducation du genre humain. L’auteur n’en a pas moins dû regarder comme un préjugé l’opinion suivant laquelle Lessing sertit parfaitement d’accord avec Winckelmann, et aurait la même manière de penser et de juger, en ce qui concerne le but le plus élevé de l’art. — Qu’on lise les passages suivants de Lessing : « La destination véritable de chacun des Beaux-Arts ne peut être que celle qu’il est capable d’atteindre sans le secours d’un autre. Dans la peinture, ce but est la beauté corporelle. — Pour pouvoir rassembler des beautés corporelles de plus d’une espèce, on créa la peinture d’histoire.