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chesse dans une même créature, il abandonne insensiblement sa raideur. Aussi, là où il façonne la forme dans sa perfection, de manière à se reposer en elle et à se saisir lui-même, il affecte, en même temps, plus de sérénité et commence à se mouvoir selon des lignes douces. Tel est le caractère de la beauté dans sa plus belle fleur et dans sa maturité. Là où le vase est achevé, l’esprit de la nature est libre de ses liens et il sent son affinité avec l’âme. L’arrivée de l’âme s’annonce comme une douce aurore qui se lève sur la forme tout entière. Elle n’est pas encore présente, mais tout se prépare pour la recevoir, par le jeu facile et la délicatesse des mouvements ; les rudes contours se tempèrent et s’adoucissent ; une aimable essence, qui n’est encore ni spirituelle ni sensible, se répand sur l’extérieur et se plie à toutes les formes, à toutes les ondulations des membres. Cette essence incompréhensible, comme on dit, et que cependant tout le monde sent, est ce que les Grecs nommaient Charis et ce que nous appelons la grace.

Là où la grace apparaît dans une forme parfaitement façonnée, l’œuvre est parfaite du côté de la nature ; rien ne lui manque ; toutes les conditions sont accomplies. L’âme et le corps sont aussi dans une parfaite harmonie. La forme est le corps, la grâce est l’âme, non pas l’âme proprement dite, il est vrai, mais l’âme de la forme ou de la nature.

L’art peut s’arrêter à ce point et ne pas le franchir ; car déjà, sous un rapport au moins, il a accompli sa