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qui continuent ou défigurent la pensée traditionnelle des maîtres, sans même compter les esprits beaucoup plus nombreux encore qui visent à l’indépendance et à l’originalité, et dont les écrits sont, d’un bout à l’autre, défrayés par la pensée mal déguisée de ces philosophes ; les adversaires eux mêmes les réfutent avec les idées qu’ils leur empruntent, souvent avec leurs propres formules. Les hommes les plus attentifs à épurer leur langage de toute expression qui rappelle leur terminologie succombent plus d’une fois à la force de l’habitude ou de l’exemple. Aussi, le public, qui ne s’y trompe pas, classe les auteurs, malgré eux, dans telle ou telle école, sans excepter ceux qui protestent n’avoir pas d’idées, mais qui ne peuvent s’empêcher d’avoir des tendances. Jurisconsultes, historiens, philosophes, poètes même, sont forcés de courber la tête sous ces épithètes, indices d’un servage qui dure toujours. Et, de fait, il ne s’écrit pas en Allemagne vingt pages sur la philosophie, l’histoire, la littérature, la religion et la politique où l’on ne reconnaisse la pensée encore vivante de ces hommes qui ont tout agité, tout remué, qui ont étendu à tout, fait partout pénétrer la vertu dominatrice de leurs formules. Vous retrouverez celles-ci dans les plus vulgaires débats de la politique et de la littérature, jusque dans les feuilletons et les romans. À plus forte raison, cet esprit doit-il se montrer avec toute sa sa force dans les controverses religieuses qui ont repris une nouvelle importance depuis quelques années. Le