Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/433

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut admise par les nouvelles théories sur l’art, depuis Winckelmann, non-seulement comme la plus haute, mais l’unique mesure. Mais comme le principe profond, sur lequel cette beauté repose, avait échappé, il arriva que l’on se fit une idée négative de cette formule, qui exprime la vérité dans son caractère le plus positif. Winckelmann compare la beauté à l’eau qui, puisée à sa source, est regardée comme d’autant plus salutaire qu’elle a moins de goût. Il est vrai que la plus haute beauté est sans caractère ; mais elle l’est dans le même sens que nous disons de l’univers qu’il n’a aucune mesure déterminée, ni longueur, ni largeur, ni profondeur, parce qu’il renferme toutes les dimensions dans une égale infinité ; elle l’est dans ce sens que l’art de la nature créatrice est sans forme, parce qu’elle-même n’est soumise à aucune forme. C’est dans ce sens, et non dans un autre, que nous pouvons dire que l’art hellénique, dans ses plus hautes créations, s’est élevé à l’absence de caractère. Mais il n’y parvint pas immédiatement ; ce n’est qu’après s’être affranchi des liens de la nature qu’il sut s’élever à une liberté divine. D’une graine semée au hasard ne pouvait naître cette plante héroïque, mais d’un germe profondément caché dans la terre. Les grands mouvements de l’âme, les profonds ébranlements de l’imagination, sous l’impulsion des forces de la nature qui vivifient tout, qui agissent partout, pouvaient seuls donner à l’art l’empreinte de cette puissance irrésistible, avec laquelle, depuis le sérieux raide