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un monde en soi, une espèce, un type éternel. Aussi celui qui a saisi l’essence ne doit pas craindre la rudesse et la sévérité dans la forme ; car elles sont la condition de la vie. Si la nature, dans l’harmonieuse perfection de son ensemble, nous montre la plus haute douceur, nous la voyons, dans tout être individuel, tendre à la détermination des formes, affecter même la rudesse et la concentration dans les premières manifestations de la vie. De même que là création entière est une œuvre de la plus haute extériorisation, de même l’artiste doit d’abord savoir s’abstraire de lui-même, descendre dans les détails, ne pas redouter le sacrifice de sa personnalité, ni les efforts pénibles qu’il en coûte pour se rendre maître de la forme. Dès ses premières œuvres la nature est parfaitement caractéristique. Elle enferme dans le dur silex la force du feu et l’étincelle de la lumière, L’âme harmonieuse du son dans le dense métal. Sur le seuil même de la vie, lorsqu’elle songe déjà à l’organisation, elle retombe, vaincue par la puissance de la forme, dans la pétrification. La vie des plantes consiste dans une silencieuse sensibilité ; mais dans quels contours précis et serrés cette vie souffrante n’est-elle pas enfermée ? Dans le règne animal, parait, pour la première fois, commencer précisément le combat entre la vie et la forme. La nature cache ses premières œuvres sous de dures écailles, et là où celles-ci disparaissent, la vie retourne de nouveau, par l’instinct de l’art, dans le règne de la cristallisation. Enfin