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n’est pas essentiel : le temps ? Si, d’après la remarque d’un parfait connaisseur, chaque production de la nature n’a qu’un instant de la vraie et parfaite beauté, nous devons dire aussi qu’elle n’a qu’un moment de la pleine existence. Dans ce moment elle est ce qu’elle est dans toute l’éternité. En dehors de lui elle ne fait que devenir et disparaître. L’art, en tant qu’il représente un être dans ce moment, l’enlève au temps ; il le laisse apparaître dans son excellence pure, dans l’éternité de sa vie.

Lorsqu’on eut une fois écarté de la forme tout élément positif et essentiel, elle dut apparaître comme imposant des limites et en quelque sorte hostile à l’essence ; aussi, cette même théorie qui avait évoqué un faux et impuissant idéal, avait, en même temps, conduit à l’absence de formes dans l’art. Sans doute la forme devrait limiter l’essence, si elle s’offrait indépendante d’elle. Mais si elle existe avec et par l’essence, comment celle-ci pourrait-elle se sentir limitée par ce qu’elle crée elle-même ? Elle pourrait bien éprouver de la violence de la part de la forme qui lui serait imposée, mais non de celle qui découle d’elle-même. Elle doit bien plutôt se reposer paisiblement en elle, et sentir son existence comme quelque chose d’indépendant et de parfait en soi. La détermination de la forme est, dans la nature, non pas une négation, mais toujours une affirmation. Suivant les idées communes, sans doute, vous regardez la forme d’un corps comme une limitation qui