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général, en un moi, le regard, l’expression de l’esprit de la nature, qui doit y résider.

On voit clairement, dès lors, ce qu’il faut penser de cette idéalisation de la nature dans l’art, comme on l’appelle, et que l’on exige si généralement. Celle exigence parait naître d’une manière de voir d’après laquelle le vrai, le beau, le bien, ne sauraient être rien de ce qui est le réel et en seraient précisément le contraire. Si le réel était, en effet, opposé à la vérité et à la beauté, l’artiste ne pourrait pas le perfectionner ou l’idéaliser ; il devrait le faire disparaître et l’anéantir, pour créer à sa place quelque chose de vrai et de beau. Mais comment pourrait-il exister réellement quelque chose en dehors du vrai ? Et qu’est-ce que la beauté si elle n’est pas l’être parfait et sans défaut ? Quel but plus élevé pourrait donc avoir l’art, si ce n’est de représenter ce qui dans la nature est réellement l’être ? comment se proposera-t-il de surpasser ce qu’on appelle la nature réelle, lui qui ne peut que rester au-dessous d’elle ? En effet, donne-t-il en rien à ses œuvres la vie sensible et réelle ? Cette statue ne respire pas ; sous ce marbre il n’y a pas de cœur qui batte, pas de sang qui répande la chaleur et la vie. Si vous placez au contraire le but de l’art dans la représentation de ce qui est véritablement l’être, ces deux choses : cette prétendue supériorité et cette apparente infériorité, se montrent comme la conséquence d’un seul et même principe.