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Mais la science n’a-t-elle pas déjà reconnu ce rapport ? Toutes les théories modernes ne sont-elles pas parties de ce principe même : que l’art doit être l’imitateur de la nature ? — Oui, sans doute, mais de quelle utilité était pour l’artiste cette maxime générale et vague, avec les diverses acceptions de l’idée de nature, et lorsqu’il y a autant de manières de l’entendre qu’il y a d’individus ? Pour celui-ci, elle n’est que l’agrégat inanimé d’une foule indéterminée d’objets, ou l’espace dans lequel il se représente les choses et leur situation respective. Pour celui-là, elle n’est que le sol d’où il tire sa nourriture et son entretien. Aux yeux seulement du naturaliste philosophe, elle est la force universelle et divine, éternellement créatrice, qui tire toutes choses de son sein, dont l’activité enfante sans cesse de nouvelles productions. Le principe de l’imitation de la nature aurait, sans doute, une haute importance s’il apprenait à l’art à rivaliser avec cette force créatrice. Mais il n’est guère possible d’élever un doute sur le sens qu’on lui donnait, lorsque l’on connaît l’état général de la science à l’époque où il a été mis au jour, pour la première fois. Il serait vraiment singulier que ceux qui refusent complètement la vie à la nature recommandassent de l’imiter dans l’art. On peut leur appliquer ces mots d’un profond penseur : « Votre philosophie mensongère a supprimé la nature. Pourquoi demandez-vous que nous l’imitions ? Afin que vous puissiez vous donner de nouveau le plaisir