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Avant tout, comment le philosophe, dont la pensée doit être uniquement dirigée vers la vérité invisible, inaccessible aux regards des sens et que l’esprit seul peut atteindre, voudra-t-il s’occuper de la science de l’art ? Celui-ci n’a-t-il pas pour unique objet de façonner de belles apparences ? Quand il ne se borne pas à montrer des images trompeuses de la vérité, il ne parle toujours qu’aux sens. Telle est, du moins, l’idée que se forment de l’art la plupart des hommes. Ils le regardent comme un agrément, un délassement, un repos de l’esprit fatigué des travaux sérieux, comme une émotion agréable, qui a, sur toutes les autres, l’avantage de nous arriver par un milieu délicat, mais avec cet inconvénient grave, aux yeux du philosophe, d’avoir sa source dans un penchant de la nature sensible, et qui plus est, de conserver souvent l’empreinte funeste des mœurs d’une civilisation corrompue ? D’après cette manière de voir, la philosophie ne peut se distinguer de l’art et de la molle sensibilité où il se plaît, qu’en le condamnant formellement. —

Tel n’est pas l’art dont je parle, cet art saint, qui, selon le langage des anciens, est un organe des dieux, un révélateur des mystères divins, une manifestation des idées, de la beauté immortelle dont le rayon non profané illumine seulement les cœurs où elle habite, beauté dont la forme est aussi bien cachée et inaccessible aux regards des sens que l’invisible vérité. Rien de ce que l’opinion vulgaire