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l’esprit universel de cette époque. Le christianisme n’a pas créé cet esprit, mais il en était lui-même l’anticipation et le pressentiment ; il en fut la première expression. L’empire romain était déjà mûr pour le christianisme avant que Constantin eût mis la croix sur sa bannière, et en eût fait le signe de la nouvelle domination universelle. La satiété des jouissances matérielles ramenait l’esprit vers le monde intérieur et invisible. Un empire qui tombait en ruines, et dont la puissance était purement temporelle, le scepticisme, les malheurs de l’époque, devaient disposer les esprits à comprendre une religion qui rappelait l’homme à l’idéal, enseignait le renoncement aux choses terrestres, et en faisait la condition du véritable bonheur.

Les théologiens ne peuvent justifier aucune de leurs assertions historiques, sans auparavant s’être approprié le point de vue élevé de l’histoire qui leur est prescrit par la philosophie comme par le christianisme. Assez long-temps ils ont combattu avec l’incrédulité sur leur propre terrain, au lieu d’attaquer celle-ci elle-même du point de vue où elle se place. « Vous avez parfaitement raison, peuvent-ils dire aux rationalistes, eu égard à votre manière d’envisager les choses, et la nôtre implique que vous jugez bien dans votre sens. Seulement, ce point de vue, nous en nions la vérité, et nous le regardons comme simplement inférieur. Vous ressemblez au logicien empiriste qui prouve, d’une manière irréfutable, au philosophe, que toute science repose sur la sensation. » —