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C’est ainsi que se combattent et se réfutent philosophiquement les systèmes philosophiques. C’est l’ultima ratio des philosophes, ces rois dans le monde des idées. Et cet argument, le seul décisif, n’a rien de brutal ; c’est le droit du plus fort, mais du plus fort par la pensée, le droit du génie. Si vous n’avez que d’autres armes contre lui, le système que vous croyez ébranlé par la base se rit de vos efforts ; il brave vos critiques et vos négations. Attaqué, décrié, tourné en ridicule, il tient tête à l’orage. Le vent agile ses rameaux sans se communiquer à ses racines. Il restera debout jusqu’à ce que le souffle puissant d’une nouvelle idée, sortie des profondeurs de l’esprit du temps, vienne l’enlever et jeter sur le sol son tronc désséché où la sève est tarie.

Qu’il en ait été, qu’il en soit, qu’il doive toujours en être ainsi, c’est ce qui est évident pour quiconque a la moindre idée de la nature des systèmes philosophiques et de leur histoire. Une autre loi non moins inflexible et qui est le corollaire de la précédente, c’est que non seulement le sceptre de la pensée ne tombe jamais en des mains débiles, mais ne peut retourner aux mains qui l’ont déjà porté, de Kant à Leibnitz, de Leibnitz à Descartes. Celui qui l’a, le garde jusqu’à ce qu’un plus jeune que lui, et à qui l’avenir appartient, vienne le lui arracher. L’esprit humain se fût-il fourvoyé quelque temps dans sa marche, ne peut retourner au point d’où il est parti il y a plusieurs siècles. Depuis lors des questions nouvelles ont