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gine pas un architecte qui taille des matériaux sans avoir fait le plan de son édifice, un peintre qui broie ses couleurs sans avoir, au moins dans l’esprit, le sujet et l’esquisse de son tableau. Le poète qui fait des vers, et dont l’imagination ne peut enfanter une composition poétique, n’est pour lui qu’un versificateur. Il se rit, se moque de vos fragments et de vos préfaces, qu’il qualifie dédaigneusement de rapsodies ; et, sans contester le mérite et l’utilité des rapsodes, il attend qu’un Homère paraisse pour déposer entre ses mains le sceptre de la pensée que vous le déclarez indigne de porter.

Nous ne faisons ici que répéter ce qui, vingt fois, a été dit, il n’y a qu’un seul moyen efficace pour renverser un système, c’est d’en mettre un meilleur à la place. C’est l’éternelle fable d’Œdipe et du Sphinx. Pour tuer le monstre il faut résoudre son énigme, opposer solution à solution, une solution plus forte à une solution plus faible, non une négation à une affirmation, mais une affirmation plus vraie à une affirmation fausse ou qui n’est vraie qu’en partie ; produire un dogmatisme savant, qui dépasse, sans les contredire, les vérités du sens commun ; donner, non des réponses partielles à des problèmes partiels, mais des solutions universelles à des problèmes qui embrassent tout et s’impliquent les uns les autres. Il faut annoncer une idée nouvelle, prononcer un mot nouveau qui ait de la portée, une portée générale.