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teur, s’appuie sur la science et les croyances de son temps ; mais de cette mythologie religieuse, il forme une mythologie poétique. Ainsi l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis, offrent le système de la théologie développé artistiquement, ou transformé en œuvre d’art. C’est ainsi qu’il se sert également des nombres sacrés et mystiques. Il renonce ici à inventer, afin de donner à la forme de son poème un caractère de nécessité et de fixité extérieures. La science logique et syllogistique de son temps n’est également pour lui qu’une forme qu’il faut traverser pour arriver à la poésie. De même, Dante ne cherche jamais la vraisemblance vulgaire ou rationelle, qui croit devoir tout motiver et expliquer, mais une vraisemblance poétique qui peut s’allier très bien avec le merveilleux. Dans l’Enfer, le rapport entre les supplices et les crimes est aussi un rapport tout poétique. Un criminaliste qui chercherait une proportion exacte entre la peine et la faute ou une analogie entre la nature de l’une et de l’autre rencontrerait souvent des bizarreries inexplicables.

Ceci s’applique également a la biographie de Dante. Sans doute, celle-ci peut fournir des renseignements utiles sur certains détails qui tiennent à la forme extérieure, non au fond et aux parties essentielles du poème ; la critique doit se garder de s’y absorber. Que les événements de la vie du poète aient exercé une influence sur l’éducation de son génie, on ne peut le nier ; mais prétendre qu’ils aient décidé sa vocation, déterminé le choix de son sujets,