Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le lien éternel qui l’unit au divin. Le plus bel exemple, dans la sculpture, sera toujours la Niobé antique.

L’ame, ici, semble dégagée de la matière et les deux mondes se séparer ; cependant, l’art conserve encore un élément naturel ; car, cette beauté supérieure, il faut qu’elle s’exprime sous une forme corporelle. Et cela ne peut avoir lieu qu’autant qu’il existe une secrète affinité entre le principe actif qui anime la matière et l’ame elle-même. D’ailleurs, en thèse générale, il n’y a pas de séparation absolue. Dès le début de l’art, apparaît l’élément moral. Déjà, dans la tragédie d’Eschyle, se manifeste cette haute moralité qui fait le caractère particulier du théâtre de Sophocle. La beauté qui naît de la parfaite fusion du caractère moral avec la grâce sensible est le vrai but de l’art, le point central où doivent converger tous ses efforts. Cette beauté nous ravit avec la puissance d’un prodige. Pourquoi ? Précisément parce que le grand problème de l’art est résolu : la révélation de l’absolu dans l’identité des contraires. « Ici, l’unité originelle de l’essence de la nature et de celle de l’ame, apparaît comme une clarté soudaine à l’esprit du spectateur, et en même temps, la certitude que toute opposition n’est qu’apparente, que l’amour est le lien de toutes choses, et que le bien absolu est le principe et le fond de toute création. » On reconnaît ici l’idée fondamentale du système de Schelling dans sa théorie sur l’art.