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« Devant vous, nous demandons compte à l’arrêt de cette complicité dont il n’a pas spécifié les éléments en fait. Complice par machinations et artifices ! Ah ! ceci ne rappelle-t-il pas ces procès des colonies, ces condamnations effroyables, prononcées sur véhément soupçon ? C’est aux colonies surtout qu’il faut préciser et spécifier les faits dont les citoyens peuvent être appelés à se justifier devant les tribunaux criminels… »

Tel est l’homme que les colons de Marie-Galante dénoncent comme l’auteur de tous leurs maux ! !

Mais, dira-t-on, l’accusation a dû formuler contre le citoyen Alonzo quelque chose de moins vague que le crime de sa bienfaisante influence ? Non. Parmi les charges accumulées contre lui, la plus grave est celle-ci : « Au moment où la liberté fut proclamée, lorsque des manifestations de désordres promptement réprimées remplissaient l’île d’anxiétés et d’angoisses, quel était le nom invoqué par les agitateurs qui parcouraient les campagnes ? celui d’Alonzo. « Alonzo vous demande du secours, » et les noirs abandonnaient les ateliers, ils s’armaient, (ils s’armaient ! de quoi ?) et se portaient en masse sur la ville. Aux élections de 1848, c’était dans la maison d’Alonzo qu’on venait prendre le mot d’ordre. » (Réquisitoire du procureur général.)

À cela, il n’y a qu’un mot à répondre. M. Alonzo a été maintenu dans ses fonctions d’adjoint au maire sous les trois gouverneurs : MM. Gatine, Fiéron, Favre, fonctions qu’il exerçait encore le jour de son arrestation ! Le véritable crime de M. Alonzo, le voici énoncé dans toute la naïveté coloniale : « Sa maison était un bureau de consultation où les travailleurs venaient exposer leurs griefs contre les propriétaires ; » ce sont les propres paroles du réquisitoire de M. Rabou. Le président M. Beausire est dans les mêmes sentiments ; à l’audience du 13 mars, il interpelle l’accusé en ces termes : « Votre maison était toujours pleine de cultivateurs qui venaient vous consulter. » (Progrès, 21 mars). Quel criminel ! les noirs venaient le consulter ! Oui, voilà ce qui rendait M. Alonzo si coupable ! Se placer entre les propriétaires et leurs anciens esclaves ! N’est-il pas évident