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prenant cette condamnation : « C’est un arrêt politique, » et il semble avoir fait partager son opinion au ministère, car au nombre des magistrats dernièrement révoqués se trouvent précisément MM. Hardouin, Turek et Leroy, trois des juges qui prirent part avec MM. Cleret (colon), Darchis et Guasco, à l’arrêt de condamnation ! Avis aux autres. Il est vrai qu’après un tel jugement il devenait fort embarrassant pour M. Rabou de vanter la modération et la mansuétude de son principal témoin. Ce tempérament trop porté à tout résoudre par les moyens violents, se révèle chez M. Hoüelche en maintes circonstances, et nous insistons, parce qu’en raison de son grade il nous paraît avoir eu la plus funeste influence sur les événements de Marie-Galante. Ainsi nous l’entendons encore dans l’audience du 27 mars déposer en ces termes : « M. Pory-Papy : Il y avait alors un ordre général d’arrestation. — Le témoin : J’avais ordre de l’amiral Bruat et du gouverneur de faire une tournée à la campagne, d’arrêter tous ceux qui, à ma connaissance, avaient pris part aux désordres et même de faire feu si je rencontrais de la résistance. » (Progrès, 7 avril.) C’est déjà, chacun en conviendra, une chose exorbitante au dernier degré de donner à un particulier, sans caractère judiciaire, mission d’arrêter qui il lui plaît ; bien qu’aux colonies les autorités se croient trop dispensées d’observer les formes de la loi, c’est déjà beaucoup d’admettre que M. Bruat et M. Favre n’aient pas craint de les mépriser à ce point. Mais comment supposer que leur amour de l’ordre ait été jusqu’à cette monstruosité, en autorisant un citoyen à mettre la main sur tout le monde, de l’autoriser aussi à tuer tous ceux qui résisteraient à l’arbitraire le plus révoltant qui fut jamais. À moins que les deux gouverneurs n’en conviennent, nous penserons toujours que le capitaine des milices de Marie-Galante s’est encore laissé dominer là par sa déplorable facilité à user de l’ultima ratio.

On sait les fatales conséquences de ce qu’on appelle l’héroïsme de M. Hoüelche. Les noirs, fuyant les coups de fusil tirés sur eux à bout portant, se répandirent dans la campagne et mirent le feu à plusieurs habitations. Quelques