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la doctrine du véhément soupçon appliquée aux condamnés de 1824 à la Martinique ?

Quant aux promesses de partage des terres, il est trop vrai que les très-honorables auteurs du rapport en parlent, non-seulement avant toute espèce d’information, mais encore sans aucun fondement, bien mieux sans le moindre indice. La preuve, c’est que l’instruction, malgré ses recherches, n’a rien révélé à ce sujet ; c’est que, pendant les débats des différents procès, le ministère public ne s’en est point occupé une seule minute, et qu’enfin pas un témoin n’y a même fait allusion. Pourquoi donc produire cette accusation ? Avait-on besoin de l’épouvantail du communisme pour faire mieux croire à l’existence du complot imaginaire et obtenir ainsi à tout prix ce que l’on désirait, l’annulation des élections ?

Le parquet dirigé par MM. Baffer et Mittaine, à qui succéda M. Rabou, se trouve d’accord avec le gouverneur pour assurer l’existence du complot. Il évoque toutes les affaires de l’élection nées et à naître, et il entame une immense procédure dans laquelle il confond des événements passés à différentes époques sur des lieux différents comme corrélatifs, partant d’un même point et allant au même but. Les scènes qui eurent lieu à la Gabarre sont du 16 juin, celles de Sainte-Rose du 17, celles du Port-Louis du 20, celles de Marie-Galante du 25 (elles marquent les étapes de l’agent électoral de la minorité), et le ministère public propose d’envelopper tous les prévenus dans une seule et même poursuite ! — Si la Chambre d’accusation n’avait pas elle-même disjoint les diverses causes, la conspiration si bien machinée par messieurs du Courrier, de l’Avenir et du Commercial, était démontrée, et le triage des assesseurs aidant, les fastes judiciaires de la Guadeloupe n’auraient eu rien à envier à ceux de la Martinique.

Dans le rapport officiel, les choses semblent disposées de façon à dissimuler le véritable caractère des événements. On y trouve énumérées avec un soin extrême les habitations dévastées, mais on ne dit pas un mot des nègres tués auparavant. Pourquoi ce fait sanglant échappe-t-il tant au gouverneur qu’à l’instruction écrite ? pourquoi ne s’en est-on pas même enquis aux débats ? L’un des défenseurs, Me Pory--