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préhensibles par la loi, veuillez, monsieur, le juge-de-paix, donner la suite nécessaire à cette affaire en commençant : 1o par vous assurer des assassins.

« En attendant une prompte justice de vous, veuillez agréer, monsieur, mes salutations bien affectueuses.

Signé, T. B. de Lamarre. »


Voilà ce que savent inventer des hommes grossiers, livrés au dévergondage de l’arbitraire ! Puis quand vous en exprimez votre aversion, il se trouve aux colonies des hommes cultivés, pour vous dire : « Ma foi je ne l’eusse pas fait, mais je ne blâme pas celui qui l’a fait ; c’est peut-être un bon moyen de dégoûter les voleurs de venir manger des cannes[1]. »

Et ces gens-là osent réclamer la tâche de la moralisation de leurs nègres !

L’esclavage est un crime qui, chaque jour, enfante de nouveaux crimes. Citons encore une de ses dernières inventions, et que l’on juge de quels dangers de toute nature sont entourés les esclaves, ces hommes sans défense individuelle, sans moyen de résistance, toujours passifs, toujours obligés d’obéir. On faisait, autrefois, la traite des nègres d’Afrique dans les îles, voilà qu’on imagine de faire la traite de nos colonies aux États-Unis, où le prix des esclaves est cinq ou six fois plus considérable que chez nous. En janvier 1840, une exportation de ce genre fut déjouée la veille même du jour où elle devait s’opérer. Vingt-quatre heures plus tard, il n’était plus temps. Des misérables avaient acheté, à la ville et à la campagne, quinze noirs ; et les avaient amenés frauduleusement à l’Anse aux Galets (Martinique), sur une habitation riveraine de la mer où le propriétaire, un nommé Beaupuy, les mettait successivement à la barre à mesure qu’ils arrivaient. Une goëlette américaine attendait les victimes dans le canal de

  1. Paroles textuelles d’un des premiers négocians de la Pointe-à-Pitre.