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s’efforcent de le consoler. Il promet de ne pas se noyer, mais les trois jours suivans, sa douleur, son découragement ne cessent point ; le quatrième, on heurte à sa porte, encore fermée après le lever du soleil, il ne répond pas. On entre, on trouve son corps suspendu à une corde qu’il avait attachée à un chevron de la toiture. Comme son amie, Théophile s’était aussi vêtu tout de blanc !

Voilà de l’esclavage !

C’est à raison de ces deux suicides, attribués par la justice à des châtimens excessifs, qu’eut lieu le 28 août 1840, l’enquête dont nous avons tiré les faits. Le juge d’instruction, M. Fourniol, ne trouvant légalement ni crime, ni délit, avait conclu au renvoi de la plainte. La chambre d’accusation en jugea autrement, M. Brafin fut renvoyé en police correctionnelle et acquitté. L’arrêt faisait surtout valoir que le prévenu « avait été, et n’avait jamais cessé d’être un habitant bon et humain envers ses esclaves, que son administration était paternelle. »

Remarquons-le, presque tous ces coupables, qui à travers les complaisans arrêts de non-lieu arrivent devant les tribunaux, sont des maîtres connus pour la douceur de leurs mœurs ! Et cela est moins extraordinaire qu’il ne paraît d’abord. Forts de leur conscience, persuadés qu’ils agissent dans les limites de leur pouvoir, ne punissant que quand ils croient à une grande faute ; ils ne se cachent pas, ils agissent à ciel ouvert, et prêtent facilement de la sorte à la constatation du forfait. Mais que penser d’un état social où un homme d’habitudes humaines, prend lui-même le fouet et frappe une femme jusqu’à lui laisser vingt plaies saignantes sur le corps !! Si les bons peuvent en venir là, jugez de ce qu’inventeront les méchans.

Regardera-t-on long-temps encore à changer un régime aussi corrupteur de l’humanité des hommes les plus doux, aussi funeste aux maîtres qu’aux esclaves ? Des uns il fait des bêtes brutes, des autres il fait des bêtes féroces. C’est par la possibilité de tout oser impunément que les possesseurs d’es-