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à confier le poste de commandeur aux mains d’un enfant de quinze ans. Il se demande la cause de tant de malheurs. Est-ce le climat froid et humide ? Il fait venir de France des vêtemens de laine. Serait-ce l’insalubrité des lieux ? Il fait creuser des pentes d’écoulement pour les eaux. Peut-être une gestion trop sévère ? Il change de géreur et recommande la plus extrême bienveillance. Rien ne réussit. La mort plane toujours sur cette terre de l’abandon, elle ravage l’atelier et le bétail. Et cependant les habitations voisines, dans des conditions égales, ne perdent rien !

M. Brafin ne songe pas que les nègres sont extrêmement sensibles aux influences atmosphériques, aux changemens de température, et que les siens ramassés de tous côtés succombent peut-être à un climat insalubre et humide, quelque soin qu’il en puisse prendre d’ailleurs, tandis que les hommes des ateliers voisins, nés dans ces conditions les peuvent supporter. Que cette idée, qui est la nôtre, soit juste ou non, M. Brafin ne la partage pas. Avec la préoccupation ordinaire aux créoles, préoccupation qui s’explique d’ailleurs par de rudes épreuves, il croit que le poison a juré sa ruine. Ses soupçons tombent sur les esclaves Théophile, Camille, Zaïre et Marie-Josephe, trois femmes et un homme. Il les réunit, leur impose la responsabilité du mal, et leur annonce des châtimens sévères, s’il éprouve de nouvelles pertes. Les soupçons, sur quoi sont-ils fondés ? Ne le demandez à aucun maître, ils n’en savent rien, et n’en peuvent rien savoir. Ils soupçonnent celui-là plutôt que tel autre, voilà tout. Enfin le 5 et 7 juillet 1838, deux esclaves succombent encore à l’hôpital. Théophile précisément s’y trouvait malade, et sa concubine Zaïre communiquait avec lui. M. Brafin ne manque pas de leur attribuer un crime de plus. Il quitte Saint-Pierre où il habite, assemble l’atelier, rappelle les menaces faites aux quatre noirs désignés, et les condamne au fouet, ainsi qu’un autre esclave nommé Jean-Louis. L’exécution commence immédiatement ; à Zaïre, à Théophile, succède la femme Marie-Josephe. Mais Saint-Prix, le comman-