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jourd’hui. Un maître allumait son bout (long cigarre du pays) au moment où il ordonnait une flagellation, et tant que le cigarre durait, le fouet cinglait. — Apparemment, lorsque les ordonnances commandaient aux nègres de remettre leur coutelas, après la roulaison ; lorsque le code noir, art. 15, faisait défense, à tout esclave, de porter aucune arme offensive, ni même un gros bâton, sous peine du fouet ; lorsqu’une ordonnance de l’administration de Saint-Domingue, du 1er juillet 1717, défendait aux esclaves de porter des couteaux flamands ; lorsque la déclaration du roi, du 1er février 1743, punissait de peines afflictives et de la mort, tout esclave coupable du vol d’armes blanches ou à feu ; lorsque la prohibition, pour eux, d’avoir des armes était renouvelée dans un règlement de police concernant les nègres de la Guyane, du 6 janvier 1750, et dans un arrêt du conseil souverain de la Martinique du 8 novembre 1781 ; apparemment à ces époques, l’esclave n’était pas si bien traité qu’on n’eut rien à craindre de lui.

Nous avons dit que l’esclavage, pris en masse, est devenu un état animalement tolérable, et nous n’en rétractons rien. Cela est vrai, puisque c’est un fait de très-grande majorité, mais ce fait n’empêche pas les cruautés d’exception, les violences accidentelles, exceptions et accidens qui suffisent pour mériter à l’esclavage la haine de tous les cœurs bons et honnêtes. Aujourd’hui encore, malgré l’adoucissement des mœurs, les nègres restent soumis à des chances d’arbitraire effroyables. C’est en 1831, qu’un colon a pu écrire : « Combien d’esclaves ont péri dans les cachots des habitations ou sous le fouet des commandeurs, sans que jamais l’autorité s’en soit douté, sans que le ministère public ait informé contre de pareilles cruautés ! Heureux encore ceux qui n’ont pas succombé à des supplices dont on ne devinerait pas l’horreur[1]. » Un colon du Robert (Martinique), nous expliquait qu’ayant eu le poison

  1. La vérité sur les événemens dont la Martinique a été le théâtre en février 1831.