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dont ils usent envers les noirs. L’attention de l’Europe, l’extinction de la traite, l’intérêt personnel, l’éducation des créoles qui, plus soignée, a donné plus de délicatesse à leurs idées, le voisinage des îles libres, où un nègre mécontent peut s’enfuir sans se donner la peine d’être marron, peut-être bien aussi les importunes criailleries des abolitionistes, tout enfin a contribué à l’amendement de la servitude. Elle n’est plus sombre, tremblante, décharnée comme elle fut, comme on se la représente encore.

Lorsque nous ayons dit ces choses en présence des colons, ils nous ont répondu : « Voyez comme nous sommes calomniés ; on proclame notre barbarie, on nous met au ban de l’humanité, et vous, notre ennemi, qui venez voir par vos yeux, vous reconnaissez que nous sommes justes et bienfaisans. » — Oh ! pour cela, il est facile de justifier les abolitionistes. L’état actuel de l’esclavage n’est qu’un progrès récent sur un horrible passé. Les colons, eux-mêmes, avouent que la discipline des ateliers n’était pas comparable, il y a moins de quinze ans, avec ce qu’elle est aujourd’hui. Si nous avons vu de gros manguiers d’esclave respectés, nous ayons vu aussi un arbre, en 1829 un nègre amarré eut tout le corps étrillé avec une étrille de cheval. Le propriétaire était fou, dit-on maintenant ; excuse plus terrible que l’accusation. Que dire en effet d’un régime des hommes peuvent être possédés par des fous ! Un esclave (il s’appelle Nicolas, et appartient à une habitation proche Saint-Pierre) nous a raconté que, durant sa jeunesse, son maître le força, par partie de plaisir, à monter sens devant derrière un mulet indomptable. Remarquant une cicatrice sur la poitrine d’un nègre, nous la primes, tant elle était large, pour la suite d’un coup de sabre et lui demandâmes où il avait gagné cela. « C’est un coup de rigoise[1] que l’on m’a donné étant jeune, parce que je m’étais endormi dans la sucrerie. » Telle fut sa réponse faite devant la maîtresse de l’habitation où il est au-

  1. Grosse cravache en nerf de bœuf.