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CHAPITRE IV.

L’ESCLAVE N’A AUCUNE GARANTIE CONTRE L’ARBITRAIRE DU MAÎTRE.

Le régime de l’esclavage est beaucoup adouci. — Quelques traits du passé. — Cruautés, violences. — Lettre d’un esclave de la Martinique. — Excès du pouvoir absolu. — L’arbitraire corrompt les meilleurs maîtres. — M. Douillard Mahaudière, M. Amé Noël, M. Brafin. — Ces grands coupables sont authentiquement des maîtres distingués entre tous par la bienveillance de leur administration. — Toute-puissance de l’habitant. — Les esclaves n’ont aucun moyen réel de défense. — Oublis de la loi. — Dépravation à laquelle l’usage du despotisme conduit quelques maîtres. — Tentative de traite de la Martinique aux États-Unis. — Les crimes d’exception n’en sont pas moins des crimes.


Il ne s’agit déjà plus d’examiner les vices et les abus de la servitude, notre pensée du moins s’élève encore davantage ; nous plaidons au nom des droits imprescriptibles de l’homme ; nous poursuivons l’esclavage en dehors de toute considération, parce qu’il offense l’humanité. Ce n’est point tel ou tel acte de cruauté qui le constitue. La question n’est pas une question de traitement doux ou cruel. C’est une question de principe. Que des planteurs soignent bien leurs esclaves, ce n’est pas ce dont il s’agit : d’autres peuvent les traiter mal. Ce dont il s’agit, c’est du principe qui fait que de deux hommes, l’un se dit maître de l’autre et lui arrache ses droits d’homme. Le principe ! Là est tout le crime nommé esclavage. La bonté de certains possesseurs ne peut venir en expiation de ce crime principe, si elle n’équivaut à son entière destruction, autrement dit si le possesseur ne rend pas la liberté au possédé.

Toutefois il est consolant d’avoir à le reconnaitre, ce que nous avons exposé dans les chapitres précédens est l’exacte vérité sur l’ensemble du régime des esclaves. Ne nous lassons pas de rendre cette justice aux propriétaires coloniaux, la bienveillance et l’humanité se sont introduites dans les traitemens