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à en obtenir, aucune besogne et selon l’expression militaire, ils se trouvent véritablement en subsistance sur l’habitation. Personne n’a su nous dire d’où vient le nom de cravates qu’on leur donne.

L’esclavage a engendré une autre sorte de cravates dont le caractère est fort curieux à observer, ce sont des nègres qui ont été tellement dépravés par la servitude, et ont si bien pris l’habitude de s’en remettre à leurs maîtres du soin de leur vie, qu’ils sont devenus incapables de quoi que se soit. Ils ont complètement perdu l’instinct de leur conservation, ils se déchargent de tout sur leur propriétaire : celui-ci est obligé de penser pour eux, d’exercer à leur égard une surveillance de chaque instant, de leur donner leur repas un à un, parce que sans cela ils gaspilleraient le premier jour la ration de la semaine ; de s’occuper de leurs pantalons et de leurs chemises, parce qu’autrement ils iraient nus ; et s’il leur vient une plaie, il faut aussi que le maître sache la découvrir et la soigner, car ils s’en laisseraient dévorer. Ce ne sont point des idiots, ce sont des insoucians, ils semblent avoir pris l’esclavage dans ses termes les plus absolus ; automates sans vices ni vertus, ils existent par la volonté des autres, et font ce qu’on leur dit de faire, mais le font mal, comme des automates. Quand cette atrophie du sentiment règne chez une femme, elle perd jusqu’à la pudeur. Pauvres victimes de la servitude !



    sa plantation conserve un géreur ; il dirige lui-même. L’économe prend les ordres du maître ou du géreur, et les fait exécuter.