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CHAPITRE III.

TRAVAIL DES ESCLAVES.

Journées. — Bons effets du travail en commun. — Plus de femmes que d’hommes aux champs. — Amélioration du sort des nègres. — Cravates. — Abrutissement de quelques esclaves.


Occupons-nous maintenant du travail. Sous ce rapport les esclaves font ce qu’ils doivent, et les maîtres aujourd’hui ne leur demandent pas plus qu’ils ne peuvent faire. L’esclave donne neuf ou dix heures selon la durée du jour, de cinq ou six à huit du matin, de neuf à midi et de deux à six du soir. Le reste du temps lui appartient, et si le chef le lui prend il est rare qu’il ne le paye pas. Cette proportion est raisonnable et convenablement calculée pour un pays où le climat défend d’abuser des forces de l’homme. Il y a d’ailleurs beaucoup plus de jeu dans la prise de l’ouvrage sur les habitations que chez les manufacturiers d’Europe, on ne poursuit pas trop l’atelier, et dix fois pendant notre séjour à la campagne nous l’avons vu partir à deux heures un quart, deux heures vingt minutes au lieu de deux heures. — Personne aux colonies françaises ne se presse et ne presse les autres.

On ne va jamais au jardin (aux champs) que par grandes bandes de trente, quarante et cinquante travailleurs (hommes et femmes), sous la direction d’un ou de deux commandeurs. Ce que ces escouades font d’ouvrage en un jour est énorme. Les campagnes des Antilles offrent de grandes et sérieuses réalisations de la puissance que les fouriéristes attribuent au travail en commun. On peut surtout mieux juger de cela en se plaçant sur une éminence d’où il soit possible de considérer le groupe des laboureurs. On les voit insensiblement avancer avec l’imperceptible rapidité du flux de mer, laissant derrière eux de