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CHAPITRE II.

BIEN-ÊTRE MATÉRIEL DES ESCLAVES.

Familiarité des rapports entre le maître et l’esclave. — Sécurité des maîtres. — Accroissement de la population esclave. — Population générale des colonies françaises.


Malgré ces tristes exceptions le sort matériel, le sort animal des nègres, nous le confessons, n’est pas aussi affreux qu’on le suppose. L’aspect de l’esclavage, pris dans son ensemble, en dehors de ses exceptions dures, cruelles, atroces, ne donne pas les serremens de cœur que l’on craint d’éprouver en l’approchant. Les esclaves sont plus ou moins retenus, selon le caractère de l’habitant, mais ils n’éprouvent pas de contrainte ; la présence du chef ne les courbe point. Nous en avons vu plus d’un rester assis avec le chapeau sur la tête, selon qu’ils se trouvaient à l’instant où le maître leur adressait la parole ; et les femmes avec l’embarras de leur sexe, répondaient comme nos paysannes par un gros rire et en détournant le visage. À de jeunes nègres qui ont dépassé les limites de leur jardin et empiété sur les terres de M. Méat, celui-ci dit : « Mais coquins, vous m’en devez la moitié. — Ah ! monsieur, répliquent-ils sans façon, vous ne voudriez pas faire cela à de pauvres petits esclaves comme nous. » — M. Perrinelle voyant une bonne mère malade s’obstiner à nourrir son fils, exprime la volonté qu’elle le remette à une nourrice, « Ah ! che maite, (cher maître), reprend l’excellente femme, à son aise et assise durant toute la conversation ; ne veuillez pas cela. Je vais encore prendre une grosse médecine et vous verrez que mon lait sera meilleur. » Puis M. Perrinelle en s’en allant : « Vous verrez qu’elle me le tuera. » — Nous nous étonnions, un autre planteur et moi, de la blancheur du nouveau-né que tenait une nouvelle accouchée : « Mais çà, c’est un petit blanc, » dit le maître. « C’est un