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qui avaient déjà un petit bout de champ où ils faisaient récolte de leurs mains.

Et l’on dit que ces gens-là ne travailleront pas lorsqu’ils seront libres !

Nous ne voulons pas nier, cependant, qu’il n’y ait beaucoup de nègres qui montrent une grande indifférence pour le bienfait du samedi. Il faut les forcer de travailler ce jour-là pour eux-mêmes. — Il ne nous étonne pas que des êtres abreuvés de dégoûts, frappés de malédiction, s’inquiètent peu d’améliorer leur sort pendant les instans de relâche qu’on leur accorde, et préfèrent se livrer à la paresse ou s’enivrer jusqu’au délire, de la mélancolique agitation de leurs danses africaines.

Une nouvelle source de bénéfice pour les esclaves est l’habitude qu’ont prise les habitans, depuis le perfectionnement de l’art agronomique, de leur livrer les terres autrefois laissées en jachères. La canne épuise le sol, et l’on se croyait obligé de le laisser reposer. On a reconnu que ce repos n’était pas profitable, et qu’on bonifiait au contraire le terrain en alternant la culture. Le nègre, toujours à ses heures de liberté, plante là du manioc. Dans quelques quartiers, la récolte se fait de compte à demi avec le maître, qui fournit les instrumens d’exploitation, mulets, cabrouets (charrette), corvée d’hommes ; en d’autres, les habitans regardent ce partage comme au dessous d’eux, et abandonnent la terre en alterne aux esclaves qui veulent la cultiver. M. Gosset, à l’habitation Vallery-Garoux, près Saint-Pierre, nous a montré sur ses livres, des comptes à demi ouverts avec deux ou trois de ses esclaves, où il revenait à ceux-ci jusqu’à 1,200 francs !

Et l’on dit que ces gens-là ne travailleront pas lorsqu’ils seront libres !

Ils ne travailleront pas ! Voyez ceux des habitations voisines des villes, ils se chargent de fournir aux particuliers l’herbe dont les chevaux sont nourris. Ils font l’herbe, le matin de midi à deux heures, pour l’apporter en ville chaque soir après la