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des cabanes, non loin généralement de la maison du maître ; chacun a la sienne. L’établissement des cases à nègres, comme on appelle ces demeures, est soumis aux moyens qu’offre pour les construire le quartier où l’on se trouve. Nous en avons vu de très belles en roches taillées chez M. Cotterell (Macouba, Martinique), chez M. Perrinelle (près Saint-Pierre, Martinique), dont la magnifique habitation rappelle les splendeurs de Saint-Domingue ; elles représentent presque des maisons. Pour l’ordinaire, ce ne sont que de misérables huttes en bamboux, en treillages ou en lattes, grossièrement enduites de terre, et couvertes en feuilles de cannes. Les cases forment toujours une pièce carrée, séparée en deux par une petite cloison. La construction en appartient au planeur, mais l’ameublement à l’esclave. Il en est où nous avons vu chaises, tables, commode, miroir, très beau lit à colonnes en courbaril, avec oreillers, draps et matelas ; il serait aussi injuste de le nier, qu’il serait mensonger de soutenir que ce ne soit pas une très grande exception. Ce luxe relatif, on ne le rencontre guère que chez les commandeurs[1] et principaux ouvriers, hommes de choix qui, dans toutes les positions du monde feraient leur sort au-dessus de celui du vulgaire ; mais ce n’est là et ce ne peut être qu’une très faible minorité. Le reste habite des cases où l’on ne trouve qu’un bois de lit plus ou moins mauvais ; parfois un banc ou une chaise boiteuse, quelques pots de faïence pour le ménage, un ou deux coffres, et la terre pour plancher ; le tout nu obscur et enfumé par le feu du canari[2], qui brûle sans cheminée, dans un coin de la première pièce. Tous encore n’en sont pas là, il est bien des cases où l’on ne voit que le canari, une planche ou une

  1. Le commandeur tient à peu près la place de nos contremaîtres. C’est lui qui dirige l’atelier *. Il est toujours choisi parmi les esclaves.

    * On désigne collectivement, sous le nom d’atelier, l’ensemble des esclaves d’une habitation.

  2. Le canari est notre chaudron ; c’est la pièce capitale d’un ménage d’esclaves ; il n’est jamais soutenu que par trois pierres ramassées au hasard.