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la classe de ces laboureurs était fort nombreuse ; à la Martinique, dans le quartier du gros Morne, le sol n’est pas propice à la canne, on peut voir aussi des blancs et même des blanches soigner de leurs mains leurs jardins à vivres.

Ainsi les faits et la théorie, tout nous porte à croire, sert à nous convaincre que les blancs peuvent cultiver sous les tropiques.

L’abbé de Pradt a dit, dans son livre des colonies : « Que les établissemens à sucre des Antilles étaient impossibles sans nègres. » Mais ce n’est pas la faute des Antilles, c’est la faute du jugement de l’abbé de Pradt. La canne n’est pas plus difficile à cultiver que tout autre végétal, et l’application des agens mécaniques comme des procédés économiques que la science fournit tous les jours et que l’argent des capitalistes rassurés permettra d’acheter, ne peuvent que la rendre plus facile encore[1].

Conclusion. L’émigration réussira et sera possible, humaine, profitable pour tous, si l’on prend quelques

  1. On ne saurait croire jusqu’à quel point il est possible d’adoucir le travail par les moyens les plus simples. M. Bouvier, jeune habitant créole de la Guadeloupe, plein d’idées généreuses, donna un jour des gants à ses nègres pour l’opération de l’épaillage *. C’était pure humanité, il voulait seulement préserver ainsi leur mains des petits piquans attachés aux feuilles de cannes. Mais à sa grande surprise, la bonne action devint une excellente affaire. Il se trouva que son atelier fit avec des gants et sans fatigue le double de la besogne qu’il faisait sans gants.

    * L’épaillage consiste à enlever les feuilles jaunies ou trop abondantes de la canne, pour lui donner de l’air et ne lui pas laisser de parasites à nourrir.