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— 411 — éclaire (fait dela lumière) pour sa propre tête. — Ah dam! c'est que nous vivons dans un temps mauvais, les protestations ne manquent pas.

« Parole pas chage. » — Les paroles ne chargent pas, —ellesne coû- tent pas grand'chose , méis en réalité chacun n’est occupé que de soi et de ses intérêts;

« Piti mi tombé, ramassé li, chrétien tombé, pas ramassé li.» — On se donne la peine de ramasser le plus petit grain de maïs qui tombe, mais un chrétien tombe-til, on le laisse-là.

Au milieu de l’eselavage chacun pouvait s'attendre à rencontrer beau- coup de ces formules d'égoisme et d'amertume, le malheur rend in- sensible ; quoïque disent ceux qui n’ont pas connu les étreintes d'une grande infortune , aussi le lecteur ne s’étonnera-t-il pas du sens de ce dicton,

« Moin pas qua prend di (hé pou la fiève li. » — Je ne veux pas prendre du thé pour sa fièvre, — je ne veux pas m'occuper de son em- barras ; mais il s’'étonnera de retrouver dans le langage de ces nègres qu'on lui avait présentés comme des animaux domestiques, quelque chose de semblable au fameux : « J'ai mal à votre estomac. »


tent. Tous les animaux furent créés sans tête par les anges. La ftéte étant la partie la plus importante du corps, Dieu s'était réservé de la fabriquer lui même. Quand vint le jour de la distribution tous les animaux accoururent, et Dieu donnait à chacun une téte qu'il prenait dans un grand: panier, placé à côté de lui. Il y avait presse, on craignait d'en manquer; les anges n'avaient pas su faire de pieds aux serpens , Dieu pouvait bien ne pas savoir faire de têtes pour toutle monde; en un mot, on avait peur. La crabe ès bonne personne de sa nature, se trouvait par hasard au premier rang, mais voyant l'inquiétude générale, elle céda son tour jusqu'à la fin parce que chacun l'en priait. Cepen- dant quand tout le monde eut passé, elle se présenta , le bon Dieu fouilla au panier, hélas! plus de têtes, il s'était malheureusement trompé de compte en fabriquant , il ne lui en restait plus une senle: « Ma foi, ditil à la crabe, ous qu'a vini tard trope, moin té donné toutes tèles là à gens à, moin ben fiché chai pitite, » Ma foi, vous "venez op tard, j'ai donné toutes les têtes à ces gens-là, j'en suis bien fûché, chère petite. Dieu n'était pas trop rassuré, lui et les anges s'attendaient à ee que la crabe lui fit de grands reproches et poussät des cris terribles. Loin de là, la douce créature répondit doucement: « T'en prie, chai bon Dieu , fais pas to chagrin pou ça, ça pas valé la peine », et elle s'en alla sans tête, Voilà pourquoi elle ne marclie jamais droite devant elle, mais toujours de côté.