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cette généreuse rivalité, et pourront s’en servir comme d’un levier pour les pousser tous à plus grand pas vers la civilisation.

Invoquons une dernière fois, avant de finir, la grandeur d’âme des créoles. Qu’ils rompent courageusement avec le passé, qu’ils renoncent sans regret à leurs anciens droits, qu’ils embrassent l’avènement des noirs à l’humanité comme une cause digne de la noblesse que l’on trouve en leur cœur chaque fois qu’il n’est pas question d’esclavage. L’esclavage ! il ne devrait plus être, il n’est plus, tout est fini. Que l’affranchissement donc ne soit pas pour eux une lutte d’anciens maîtres contre d’anciens esclaves, qu’ils n’abordent pas le travail libre des nègres avec hostilité, mais avec des sentimens de bienveillance paternelle. Le xixe siècle qui veut délivrer les colonies françaises des horreurs de la servitude, fait appel à leur raison pour l’aider à sauver ces belles contrées des misères de la barbarie. Ils écouteront sa voix. Le plus prompt succès de l’affranchissement est dans leurs mains, dans leur franche adhésion à la transformation que la conscience publique réclame impérieusement. Ils peuvent beaucoup, ils peuvent presque tout pour cette grande œuvre. Eux qui ont su se faire une vertu de l’hospitalité, nous les en conjurons, qu’ils reçoivent affectueusement dans le temple de la liberté et de la civilisation dont ils deviennent les ministres, ces jeunes étrangers qui demandent à entrer sous les auspices des frères d’Europe.

Le rôle des colons est beau vraiment s’ils le veulent accepter : c’est celui d’éducateurs pour la race infortunée, que leurs pères leur ont laissée toute abrutie, que la morale délivre, et que la nation les supplie de régénérer.


fin.