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Les colons vont s’indigner de la pensée d’être confondus avec leurs esclaves de la veille et obligés de travailler à côté d’eux s’ils encourent quelque peine. Nous ne tenons aucun compte de ces vanités de coupables. La loi oblige l’ancien maître comme l’ancien esclave. C’en est fait des îles si l’on y laisse se perpétuer, sous une forme nouvelle, des distinctions désormais ridicules. Il est nécessaire que tout le monde, aux colonies, soit pénétré de cette vérité que tous les hommes sont égaux ; la rigide équité du législateur et de ses ministres doit ne le laisser oublier à personne.

La stricte observation des contrats devra fixer particulièrement l’attention des juges-de-paix. Il est d’une haute importance d’accoutumer, dès le commencement, les propriétaires à respecter leurs devoirs vis-à-vis des ouvriers, et ceux-ci à sentir la valeur de leur parole.

La sagesse du juge admettra toutefois des circonstances atténuantes. Il est aisé de concevoir qu’un ancien maître accoutumé à une puissance absolue comprenne avec peine, dans les premiers jours, la considération qu’il doit à d’anciens esclaves, devenus ses égaux et traitant avec lui sur le même pied. Il n’est pas moins facile d’imaginer que des hommes encore peu accoutumés à la liberté en usent mal par ignorance et sans mauvaise intention.

« Si l’engagement pris, soit pour location des cases ou pour travail, n’a pas de limites arrêtées, on sera tenu réciproquement de se prévenir un mois d’avance quand on voudra le rompre. »

« L’infraction à cette clause est punie d’une amende égale au dommage causé, ou de un mois de sucrerie pénitentiaire. »

« Hors le temps de récolte, l’engagé est libre de sortir de l’habitation, pourvu que ses absences ne deviennent pas assez fréquentes ni assez régulières pour porter atteinte à l’esprit du contrat. »

Notre contrat n’est pas un engagement au sol, c’est une garantie de travail. Plus les traités de cette nature seront utiles aux deux contractans, plus il faut mettre de soin à les faire bien larges pour les nègres. C’est pour cela que nous venons d’inscrire une clause qui peut entraîner quelques abus pareils à ceux qui troublent nos ateliers d’Europe. L’avantage nous a paru surpasser l’inconvénient. Il faut donner du jeu aux engagemens des nègres, autrement ils s’isoleront toujours par crainte de retomber de fait en esclavage, en aliénant la moindre parcelle de leur liberté. Selon nous la loi ne peut être admise dans