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C’est celui que la république avait établi pour remplacer l’esclavage. Dans ce mode, le laboureur s’attache au sol. On n’a presque plus besoin de surveiller les ouvriers, ils se surveillent eux-mêmes, chacun est intéressé à ce que personne ne se livre à la paresse. Mais, outre que beaucoup de maîtres auront peu de goût à se donner des noirs pour associés, nous craignons que le nègre, dans son état actuel d’ignorance et conséquemment de défiance, ne puisse pas comprendre d’abord le mécanisme d’une telle association. Il refusera sans doute de s’y prêter dans la crainte d’être trompé sur les prélèvemens qui sont à faire pour l’entretien et le remplacement des outils et des animaux d’exploitation. Le travailleur nègre n’est pas non plus en état aujourd’hui de supporter les pertes que pourraient éprouver l’entreprise. En tous cas, ceci est laissé dans les limites de la loi à la discrétion des contractans, et il serait heureux pour tout le monde qu’un tel système put s’établir[1],

  1. M. Boyer a fait sur les engagemens en société, un projet législatif qui nous paraît laisser peu à désirer. Tout y est prévu. Nous croyons devoir le citer pour servir de guide au législateur. Il est important que toutes les formes de travail qui pourront être adoptées soient réglementées d’une manière précise.
    engagements en société.

    « Art. 1er. Lorsque le nombre des travailleurs effectifs habituellement employés à la culture sur une sucrerie, sera de (vingt) ou au-dessus, ils seront, si le juge de la commune l’ordonne ainsi  *, associés au propriétaire, suivant les règles ci-après.

    * Nous dirions, nous, s’il convient aux travailleurs et au propriétaire.

    « Art. 2. Une moitié de tout le revenu brut, sous la charge des grosses réparations et de la mise de premier établissement, reviendra au propriétaire.

    « La seconde moitié, sous la charge de réparations et d’entretien, est attribuée au travail. Un (cinquième) en appartiendra au propriétaire pour la direction du travail, à la charge de payer les gérans et économes, s’il en emploie. Le surplus sera partagé entre les travailleurs, proportionnellement au nombre de journées dont chacun d’eux justifiera.

    « Néanmoins les sommes nécessaires pour remplacer les instrumens de culture et les animaux d’exploitation seront prélevées sur le total du revenu.

    « Art. 3. Chaque atelier en société aura un chef conducteur, (l’ancien commandeur), choisi par les travailleurs, et agréé par le propriétaire, en cas de non accord, nommé par le juge de la commune  **.

    ** Selon nous, tout travailleur qui n’agréerait pas le chef nommé, doit avoir le droit de se retirer.

    « Ce chef-ouvrier conduira les travaux selon les prescriptions du propriétaire ou de son géreur. Tous les travailleurs lui devront à cet égard obéissance. Il aura la surveillance de leurs intérêts.

    « Art. 4. Chaque jour, à la réunion du soir, le chef-ouvrier, distribuera aux travailleurs un bon de leur journée.

    « Ceux qui n’auront été employés qu’à des travaux secondaires, ou qui n’auront pas mis dans leur travail l’activité convenable, ou qui auront commis quelque faute, ne recevront qu’un bon de demi-journée ou d’un quart. Ils pourront même en être entièrement privés  ***.

    *** C’est le conducteur élu par tous et surveillant les travaux qui doit en juger.