Page:Schœlcher - Des colonies françaises, 1842.djvu/438

Cette page a été validée par deux contributeurs.

semblables ? Non !… que les colonies européennes soient donc détruites plutôt que de faire tant de malheureux[1]. »

Ne veut-on reconnaître l’autorité de l’Encyclopédie, que l’on prenne le Dictionnaire théologique de l’abbé Bergier, et l’on y pourra lire ce qui suit à l’article Nègre. — « Il n’est pas possible, dit-on, de cultiver les îles autrement que par des esclaves, dans ce cas il vaudrait mieux renoncer aux colonies qu’à l’humanité. La justice, la charité universelle et la douceur sont plus nécessaires à toutes les nations que le sucre et le café. » Quelle différence y a-t-il entre ces mots et ceux de Robespierre ? Et l’abbé Bergier n’était point un révolutionnaire, c’était un homme sans passion politique, très bon, très savant, zélé défenseur de la religion catholique, et, de plus, fort ennemi des philosophes. À ce que nous venons de rapporter il ajoute ensuite avec une grande pénétration : « Mais tout le monde ne convient point de l’impossibilité prétendue de se passer du travail des nègres. Lorsque les Grecs et les Romains faisaient exécuter par leurs esclaves ce que font chez nous les chevaux et les bœufs, ils imaginaient et disaient que l’on ne pouvait faire autrement. »

En définitive, tous les sophismes du monde ne peuvent aller contre le droit. Les nègres doivent être libres, parce que c’est justice. Si lorsqu’ils seront libres ils ne veulent pas cultiver au-delà de leurs besoins, comme on l’assure, de deux choses l’une, ou il faut les remplacer au moyen de l’émigration par une population qui ayant déjà des besoins acquis travaillera pour les satisfaire[2], ou il faut rendre les îles à la nature qui ne les a pas faites pour l’homme, puisqu’il ne lui est

  1. Encyclopédie, article Traite des nègres.
  2. On a vu longuement exposés dans notre introduction les motifs qu’il y a de croire à la possibilité d’établir, sans aucun danger pour eux, des cultivateurs blancs sur les terres coloniales. En tout état de cause, nous sommes fermement persuadé qu’une émigration bien réglée d’Europe aux îles serait aussi utile pour l’Europe et les îles que pour les émigrans.