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liorer le sort d’une partie de la population. » Enlevez à ces paroles les voiles obscurs du langage officiel, et il vous restera « si vous ne voulez pas que la tranquillité publique soit compromise, affranchissez les esclaves. »

Il faut donc en finir, il est temps. Et les demi-mesures, on le voit, seraient plus dangereuses qu’utiles.

Les nègres, comme l’a dit M. Gilland, ouvrier serrurier, pour les prolétaires[1] : Les nègres « ne demandent pas à souffrir moins, ils demandent à ne plus souffrir du tout. »

Quand nous songeons à tous les dangers qui entourent la propriété coloniale si l’on persistait à vouloir simplement modifier l’esclavage, nous sommes tenté d’affirmer que notre proposition d’émancipation immédiate contient seule les conditions de salut pour les colonies livrées aujourd’hui aux troubles d’une propriété réprouvée, et menacées dans un avenir prochain des catastrophes qui sont la fin de toutes violences.

Travaillons vite, travaillons sans relâche à cette œuvre de salut commun. Les nègres deviendront chaque jour plus faciles à remuer, plus impatiens du joug, à mesure qu’ils seront moins ignorans. Quelqu’abrutis qu’ils soient encore, le sentiment qu’ils ont acquis de leur misère est devenu un écueil pour la paix des colonies ; ils perçoivent confusément leur abjection et s’en indignent.

Donnez, donnez ce que vous devez pour qu’on ne vous l’arrache pas ; ne laissez point accomplir par les voies sanglantes de la violence ce que la justice et la raison peuvent faire avec profit pour tous. Le feu couve, il n’est pas éteint.

L’émancipation, telle que nous la comprenons, sera peut-être plus facile encore que nous ne pensons nous-même, elle s’opérerait à l’heure présente avec d’autant moins de désordre que tout le monde, maîtres et esclaves attendent une résolution grave de la métropole.

On peut donner à ces vastes inquiétudes une issue favorable,

  1. Ruche Populaire, journal des ouvriers.