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la guerre, la révolte hideuse, accompagnée de l’incendie et de l’assassinat. Il ne s’écoule jamais dix années sans que les noirs, malgré la décomposition des plus nobles facultés humaines que la servitude opère dans leur âme, ne protestent par quelque violence contre leur prétendu assentiment volontaire à l’état où on les maintient. — Voyez à la Martinique seule, et sans remonter plus haut que 1811. Cette année-là, sous la domination des Anglais, révolte. En 1822, révolte ; vingt nègres du Carbet croient le moment opportun, ils tuent, ils brûlent, et sept d’entre eux paient de la vie leur espoir intempestif de secouer le joug. Vers cette époque, le poison fait tant de ravages qu’on en vient aux exécutions d’une cour prévôtale. En 1823, révolte ; c’est la célèbre affaire dite des hommes de couleur, d’où sortent les noms de MM. Fabien et Bissette, pour entrer à jamais dans l’histoire coloniale. En février 1831, révolte ; la conjuration est générale, elle éclate au cri de liberté ou la mort ! — Les meilleurs ateliers y prennent part, l’incendie est sur le point de triompher, un moment d’hésitation chez les insurgés arrête la guerre civile qui commence, les troupes s’emparent des plus coupables ; deux blancs, l’un créole, l’autre européen, l’un négociant, l’autre géreur, sont compromis, accusés, traduits devant la cour d’assises[1] avec cinquante prévenus, et bientôt vingt-trois esclaves marchent à la potence avec un courage héroïque en criant : Vive la liberté[2] ! Vers 1833, révolte

  1. Voici comment l’un des accusés, raconte l’arrestation de ses nègres accusés avec lui : « Ils furent garottés avec une telle force, que les cordes leur coupèrent la peau. On les conduisit à la geôle leur innocence ne fut pas si longue à établir que celle de leur maître. Après neuf jours employés à les interroger, on les rendit à la liberté ; mais dans quel état !… Presque tous malades, furent conduits à mon hôpital ; les soins les plus assidus bornèrent la mortalité à quatre. Ils succombèrent à la maladie qu’ils avaient gagnée dans le cloaque on avait amassé cent créatures humaines. » (La vérité sur les événemens, etc.)
  2. Le blanc qui comparut dans cette affaire (l’autre s’était sauvé) fut acquitté. Encore de la justice coloniale ! On pend les soldats, on absout le chef ! Ou le chef était coupable, ou les soldats ne l’étaient pas.