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Plus d’opposition possible de la part des uns, plus de discours agitateurs de la part des autres, plus de fluctuations. Les nègres sont heureux, il ne leur reste aucun sujet valable de plainte, leurs maîtres sortent du provisoire, les voilà enfin fixés, ils peuvent bâtir sur un terrain solide. La propriété coloniale rentrée dans le droit commun devient inattaquable, et acquiert une sécurité que maintenant elle a perdue à jamais. Les créoles cessent de trembler pour le lendemain, car ils peuvent faire eux-mêmes leur lendemain, ils deviennent forcément les meilleurs auxiliaires de l’émancipation, car ils ont un intérêt véritable à ce qu’elle réussisse, et les abolitionistes deviennent les meilleurs aides des créoles, car ils ont un intérêt de conscience et de morale à ce que la grande œuvre prospère.

Qu’on le remarque bien encore, il ne faudra pas plus de force, il n’en coûtera pas plus d’argent pour fonder un ordre définitif, que pour soutenir un mode intermédiaire. L’affranchissement simultané a de plus l’immense avantage de réhabiliter la terre d’un seul coup ; il emporte ce préjugé contre la culture qui, autrement, voue toujours les libres successifs à l’oisiveté, Le travail agricole n’étant plus le signe de la servitude, l’émancipé n’a plus à craindre de déroger en s’y livrant.

Les colons par leurs inquiétudes, témoignent suffisamment de la mauvaise position ou ils se trouvent. Ils n’osent plus dire qu’il faut garder indéfiniment l’esclavage, et ils ne veulent pas entrer franchement dans l’émancipation. Ils se plaignent qu’on les tient depuis longues années dans un état qui ressemble à l’agonie, et ils veulent toujours temporiser ; puis lorsqu’avec la lenteur que la France gouvernementale met dans toutes choses, ils voient la commission de la chambre ajourner le fameux rapport Tocqueville, le ministère nommer une autre commission pour examiner des faits retournés sous toutes leurs faces depuis quinze ans, et enfin cette commission elle-même s’ajourner du mois de juillet au mois de janvier, et du