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cours, mais nous en sommes également persuadés ; ce concours on ne pourra l’obtenir qu’en les soumettant à la nécessité fatale du succès. Aussi n’hésitons-nous pas à proclamer dangereux et funeste tout régime intermédiaire. Dangereux, parce que l’on ne saurait rien toucher à l’esclavage sans mettre aussitôt en péril le droit et l’autorité du maître, funeste parce qu’il ne peut être comme l’apprentissage britannique, qu’un esclavage continué.

Cette demi liberté, après les hautes espérances que la proclamation du principe fait concevoir aux nègres, ces distinctions composées, difficiles à saisir pour des esprits incultes, ces incertitudes de leur position, tout cela est pour eux une cause de mécontentement. Servitude déguisée, l’état mixte, comme nous le disait M. Salvage Martin, d’Antigues, « est bien plutôt la préparation de la fainéantise libre que du travail volontaire. » Il engendre mille tiraillemens, d’où naissent les colères et les rancunes. Il n’y a de bien possible, il n’y a d’initiation possible au bien, ni dans la servitude ni dans aucune situation analogue.

Plus nous analysons l’orgueil des propriétaires et la susceptibilité des esclaves, plus nous nous assurons que l’on trouvera tout avantage à en finir d’un seul coup, et à se donner vis-à-vis des nègres le mérite d’une libéralité sans condition, par un vaste affranchissement sans réticences. Les termes moyens ne sont propres qu’à tout aigrir, tout envenimer, en ne rendant personne heureux de son sort. Ne touchez pas à la servitude ou donnez la liberté complète : sachez renoncer à l’une ou accepter l’autre. Point de classe intermédiaire, point d’affranchis d’État, point de moitié de citoyens, cela détruit l’homogénéité que doit avoir une société pour marcher de ferme allure, cela ne sert qu’à susciter des collisions, provoquer mille petites lois spéciales, multiplier les complications, les écritures, les bureaux, les commis. Et tout ce mal ! pour aboutir en définitive à la solution de continuité que l’on redoute, et à laquelle il faudra cependant toujours arriver un jour ou l’autre dans