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universelle ; en appuyant le criminel de leur sympathie, ils sont devenus complices du crime ; en l’acquittant avec éclat, ils ont prononcé leur propre condamnation. Ils disent les esclaves incapables de jouir de la liberté ; l’opinion européenne les déclarera, eux, incapables de jouir des prérogatives de maîtres ; puisqu’ils ne peuvent sentir là où commence la cruauté dans l’exercice d’un droit ; indignes de la mission d’instituteurs, puisqu’ils ne regardent pas la séquestration indéfinie comme un châtiment excessif. — Quel concours attendre, pour toute forme progressive, de gens auxquels la fièvre de maître peut donner ces vertiges, par lesquels les abus de pouvoir des maîtres sont défendus comme la cause générale, chez lesquels l’homme de la justice qui poursuit Mahaudière est attaqué à titre d’ennemi du pays ? De quelle insignifiance ne sera pas toujours tout moyen partiel au milieu d’une société ainsi faite, quand la grande majorité de ceux qui la dominent par la prépondérance de l’éducation, des talens, de la richesse, des places élevées et d’une antique supériorité, absorbe jusqu’aux autorités qui devraient la conduire ?

Des actes barbares pareils à ceux des subalternes Laffranque et Preschez, sans exciter moins l’horreur, peuvent être considérés comme des faits individuels ; mais lorsque des propriétaires, des hommes jouissant d’une bonne réputation bien acquise, semblables à MM. Amé Noël, Mahaudière, Brafin, Moyencourt, en arrivent aux tortures avouées que nous avons dites, lorsqu’ils sont excusés par leurs pairs, le crime sort de l’individualisme, il appartient à la société toute entière, il fait corps avec elle ; et le législateur, pour être conséquent, n’a d’autre moyen de le prévenir et de l’extirper que de changer les bases mêmes de la société.


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