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analogue à celle que la loi elle-même aurait détruite et stigmatisée ! On oublie que l’obligation du travail est le but de l’esclavage. Abolir la servitude après l’avoir flétrie et vouloir maintenir la contrainte au travail, seule fin de l’esclavage qui en est le seul moyen, implique donc une contradiction choquante que la raison repousse ; c’est prétendre conserver l’effet après avoir détruit la cause. » M. Bovis et les hommes calmes qui partagent son opinion, voient qu’ils trouveraient jusque parmi leurs frères une forte opposition.

L’engagement au sol ne peut au surplus résister à aucune des objections capitales que nous avons présentées contre les autres moyens partiels. Il en a tous les vices, il n’en corrige aucun des inconvéniens. Dans ce mode, comme dans celui du rachat par l’État, on ne sait ce que deviennent les quarante-six-mille nègres de villes ou domestiques, population essentiellement mobile, et dont l’utilité est dans sa mobilité même. En un mot, tous les dangers de l’apprentissage se représentent sans qu’on puisse échapper à un seul, car toute forme d’abolition qui n’est pas l’abolition complète et absolue revient toujours à l’apprentissage.

L’engagement au sol ne se prête pas plus que les autres combinaisons à satisfaire nos désirs, il laisse tout en question. Ou l’on voudra agir directement sur les engagés, et alors les maîtres diront que l’on trouble leur manœuvre, ou on les laissera procéder seuls, et alors l’engagement leur étant aussi profitable que l’esclavage, ils ne se presseront pas de rien changer au moral de leurs nègres, pour que ces nègres restent indignes de passer au degré supérieur ; et comme, en conséquence du principe posé, il serait irrationnel d’assigner un terme à l’entreprise d’amendement, qu’eux seuls peuvent et doivent le fixer, ils le prolongeront indéfiniment. Soyons-en bien sûrs, quelle que soit l’échéance à laquelle on leur présenterait le billet de la glèbe, de même qu’ils disent aujourd’hui, après deux cents ans d’épreuve : « Le temps n’est pas venu d’abolir l’es-