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gagement ; qu’elle substitue l’autorité de la loi à celle du maître[1], et sur toutes choses que les colons soient préposés à étudier cette loi, car eux seuls ils en ont l’intelligence.

« Encore une fois, monsieur, il faut vous défier des principes absolus ; Dieu a créé le monde par un principe absolu, universel, parce que dans une seule intuition il voyait tout et pourvoyait à tout, mais nous n’avons ni sa prévoyance ni ses moyens : nous sommes donc obligés de tenir compte des milieux, et dès-lors nous ne pouvons agir que par relation. Je conçois bien que la France, du haut de sa civilisation, dise : « Il faut que toutes les sociétés arrivent à mon principe. » Oui, monsieur, il faut qu’elles y arrivent, mais de la même manière que l’enfant dans la famille : l’aïeule lui tient la lisière et l’entoure du bourrelet ; tirez-les lui, il se casse le cou.

« Pourquoi de la défiance en nous ? Prenez garde ! nous serons ou des obstacles ou des auxiliaires ; si nous devons être des obstacles, la France se doit de les éliminer ; or, elle ne le peut que par une dépossession pleine et entière ; nous sommes prêts, l’est-elle ? Si elle nous veut pour ses auxiliaires, que le concordat soit signé entre nous, et que la mutuelle bonne foi y préside.

« Vous avez visité nos habitations et vous avez loué la sincérité qui vous en ouvrait les moindres recoins. Sont-ce là, monsieur, des hommes contre lesquels il faille prendre tant de garanties ? On connaissait vos principes, on connaissait la mission que vous vous étiez donnée, et la confiance d’un chacun vous a désarmé : aussi vous êtes-vous hâté de dire qu’une partie de vos préventions était tombée dès votre arrivée, et que nos esclaves que vous vous attendiez à voir pitoyables et souffreteux, vous les trouviez plus heureux, physiquement, que le paysan que vous avez laissé en France. C’est un cri arraché

  1. À chaque instant, on le voit, les colons sincères nous fournissent eux-mêmes l’attestation de notre proposition : « L’esclave n’est pas soumis à un pouvoir public. »