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leur tribunal. — Ainsi de tous côtés les malheurs de l’apprentissage viennent compromettre l’épanouissement de la liberté. — Mais le plus grand vice de l’institution des magistrats spéciaux, vice radical, et qui les aurait empêché toujours, quelque noblesse de caractère qu’ils pussent avoir, de produire un bien sans mélange, c’est qu’ils étaient dans la dépendance de l’autorité locale. Le gouverneur les pouvaient casser sans jugement et sans rendre compte de ses motifs ; il en résultait qu’ils se faisaient ses agens au lieu d’être les agens de la loi, qu’ils obéissaient aux ordres de son pouvoir souverain, et non aux volontés de la justice ; que leur Code enfin était sur la grande table du chef de la colonie.

Maintenant, était-il nécessaire que cela fut ainsi ? Le parlement ayant voté une mesure transitoire, le gouvernement comprit-il la nécessité de revêtir des magistrats spéciaux d’un pouvoir discrétionnaire, et de les avoir à sa disposition pour dompter les puissantes résistances qu’il prévoyait ? C’est question. Et nous penchons entièrement pour l’affirmative.

Au surplus, nos colons eux-mêmes ne se soucient point de l’apprentissage, ils en ont appris les dangers, et par l’organe de leurs commissions ils déclarent n’en pas vouloir. Voici comment s’exprime M. Jollivet, délégué des blancs de la Martinique : « L’apprentissage anglais à démontré surtout d’une manière évidente, ce que l’absence de toute intervention directe de la part du maître pouvait entraîner de perturbation dans l’économie du travail. Une fois que les magistrats protecteurs se sont placés entre le maître et l’esclave, il n’a plus été possible de compter sur l’assiduité des apprentis. Les châtimens les plus sévères ont été impuissans ; des instrumens de coercition, inconnus jusqu’alors, ont été inventés pour combattre la force d’inertie. Tout a échoué. Les colons ont été forcés de renoncer aux délais que le gouvernement avait stipulés comme une part de l’indemnité. Ce sacrifice était commandé par la prudence la sécurité des personnes, et l’espoir d’empêcher la ruine totale