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§ VI.

APPRENTISSAGE.


Dangers de l’apprentissage. — Les magistrats rétribués des îles anglaises. — Les colons français aiment mieux l’abolition que l’apprentissage.


Passons au troisième système, celui de l’émancipation simultanée avec apprentissage. « Les esclaves sont déclarés libres immédiatement et tous ensemble ; une indemnité est assurée aux colons. Les esclaves demeurent sous l’autorité de leurs propriétaires, mais sous la protection de l’état durant un espace de temps plus ou moins prolongé, en qualité d’affranchis, et leur travail est concédé au maître. » — C’est le système anglais : indemnité insuffisante, et pour la compléter, plusieurs années de l’affranchi accordées gratuitement à l’ancien maître, autrement dit, on donne au maître ce qui lui appartient, puisque l’esclave lui doit légalement toute sa vie, jusqu’aux derniers jours. Ne ménageons pas les termes : si vous n’indemnisez pas le colon de la valeur entière de la propriété hominale que vous lui enlevez, vous le volez.

Quant à l’apprentissage, il suffit de passer une heure dans une colonie de la Grande-Bretagne pour savoir ce qu’il vaut. Nous n’avons pas rencontré un créole anglais, même de ceux qui regardent en arrière, nous n’en avons pas rencontré un, sans exception, qui ne nous ait dit préférer mille fois l’émancipation à l’apprentissage ; sur ce point ils sont tous d’accord, ils disent que l’apprentissage ne fut qu’une dangereuse déception, avec autant d’assurance que nous le soutenons être une inutile transition. Le propriétaire n’y pouvait voir qu’un complément d’indemnité, il voulait en conséquence qu’il ne fût qu’une continuation de la servitude, et n’avait pas pour des hommes dont l’avenir ne lui appartenait plus, les sollicitudes d’autrefois. L’apprenti, lui, avec l’inflexible logique du bon sens, s’étonnait que sa condition ne fût pas changée, quoiqu’on lui eut