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Mais on ne leur a donc pas appris que les propriétaires du sud de l’union américaine, et ceux-là savent ce que c’est qu’esclavage, ont prononcé des amendes énormes ou des peines considérables[1] contre celui qui enseignerait à lire ou à écrire à des nègres. Bonaparte ne voulait pas être le cochon à l’engrais de Sieyès, un nègre fait homme par l’instruction primaire consentirait-il à rester bête de somme ? Dès qu’il penserait, le bien-être matériel ne lui suffirait plus ; sachant lire, il étudierait des faits historiques dont la résultante serait de ne point laisser deux jours d’existence à la servitude ; mis en état de réfléchir, d’apprécier la nature des droits qu’on a sur lui, il ne tarderait pas à battre de ses fers avec mépris celui qui aurait osé l’en charger. C’est dans ce sens que M. Levassor Delatouche nous disait : « Nous ne voulons pas, et il ne faut pas que nos esclaves sachent lire. » M. Levassor avait raison, non il ne faut pas que les esclaves sachent lire. Aucun élément de régénération approprié à leur situation ne peut être offert à des ilotes ; il n’y a point pour eux de régime intermédiaire ; leur état moral ne doit pas être changé, car c’est l’ignorance même où ils sont plongés, qui fait la garantie du maître : toute amélioration dans leur sort intellectuel ne peut être que de nature à diminuer leur indifférence, et par suite à compromettre la tranquillité générale. Nous avons eu cent fois l’occasion de le voir, c’est le propre d’un principe mauvais de n’offrir que des conséquences mauvaises. Il n’y a précisément rien entre l’esclavage et la liberté !

En résumé et quoiqu’on puisse penser d’ailleurs, l’inutilité

  1. Par acte de la législation de la Louisiane du 16 mars 1830, il est décrété que toute personne dans l’état de la Louisiane qui enseignera, permettra qu’on enseigne ou fera enseigner à lire ou à écrire à un esclave quelconque sera sur conviction du fait, par devant toute Cour de juridiction compétente, condamné à un emprisonnement d’un mois à un an. — Dans l’état de Virginie il a été passé le 1er janvier 1819, une loi qui prohibe les écoles noires sous peine de vingt coups de fouet sur le dos nu.