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surtout ceux de la Guadeloupe ; mais ils agissent dans l’obscurité la plus profonde. On ne s’est pas occupé de les établir convenablement, dans l’une et l’autre colonie ils sont si petitement logés, qu’ils ne peuvent recevoir tous les enfans qui se présentent. À Fort-Royal, leur classe donne sur la savane, et participe à tous les bruits de ce centre du commerce. Nulle part on n’a choisi de maison où il y eut une cour propre aux récréations. Rien n’a été fait pour donner quelqu’éclat à leur emploi. Jamais aucune autorité n’est venue en présidant une distribution des prix, rehausser aux yeux du peuple l’importance de créations aussi moralisatrices. Enfin, le ministère de la marine avait aussi envoyé pour les jeunes filles des deux îles quatorze sœurs de saint Joseph ; mais ces dames sont restées toutes les quatorze au couvent de la Guadeloupe où, à notre départ, elles attendaient encore, depuis sept ou huit mois, que les gouverneurs leur donnassent les moyens de s’utiliser !

On peut nous en croire, si l’on ne rend les nègres à eux-mêmes que quand ils seront perfectionnés par l’éducation, ils sont condamnés à demeurer éternellement esclaves. Et les colons le savent bien, c’est pour cela qu’ils nous répètent sans cesse. « Avant de les faire libres rendez-les aptes à la liberté. » Leur refusant la liberté parce qu’ils sont ignorans, ils ne veulent pas qu’ils cessent de l’être, et ils s’opposeront toujours à un système réglé d’enseignement, bien que leurs soins à le proscrire fasse naître de grands doutes sur la stupidité naturelle dont ils ont gratifié leurs esclaves. Il leur importe trop de pouvoir dire que le nègre n’est pas en état de jouir de la liberté, pour consentir à l’y préparer jamais.

Une chose même qui nous surprend, c’est que le ministère de la marine ait fait semblant de croire à la possibilité de préparations morales pour des hommes placés en servitude ; à la compatibilité de la culture de l’esprit avec la servitude ou toute autre condition analogue.

Comment les conseils de France peuvent-ils supposer que les propriétaires seront assez fous pour instruire leurs esclaves ?